La maison du bonheur

J'ai démarré ma première analyse alors que j'avais 21 ou 22 ans, je ne sais plus. En fait, j'étais tellement insupportable que mon (futur) mari m'avait dit qu'il fallait absolument que je fasse un travail sur moi si je voulais que l'on reste ensemble. Comme je tenais à lui et surtout que je savais qu'il avait raison, je me suis lancée. 

C'était alors une analyse freudienne, du genre où l'analyste - une vieille femme très élégante - était assise derrière moi  à faire "hum, hum" et rien de plus ! Pourtant, au fil des mois, les résultats se sont faits sentir : c'était comme un étau qui se desserrait, une nouvelle respiration qui s'invitait dans ma vie. Depuis, je n'ai jamais cessé d’œuvrer sur moi, de manière plus ou moins conventionnelle d'ailleurs. J'ai coutume de dire qu'avec tout l'argent que j'ai dépensé en consultations, stages, conférences et autres livres sur le sujet, j'aurai pu m'acheter une Ferrari. Je n'en doute pas. Je ne la regrette pas non plus. Car au fil du temps, c'est comme si l'espace de lumière auquel j'avais accès ne cessait de s'agrandir, comme si je découvrais toujours plus de pièces dans la maison du bonheur (que je porte à l'intérieur).

Aujourd'hui, à l'aube de mon demi-siècle, lorsque je fais un point sur ces années (si rapidement) écoulées, je ressens toujours plus de joie. Nul doute que j'ai eu mon comptant de tristesse et de fracas, mais finalement, indiscutablement, c'est grâce à tous ces évènements que j'ai pu construire cette vie qui me ressemble tant. Enfin. Enfin, je vis entre Paris et la campagne dans ma maison du bonheur, bien concrète et réelle celle-ci. Enfin, j'ai mon grand jardin, mon potager (et peut-être même des poules un de ces jours, si, si...). Enfin, je partage mon quotidien harmonieusement entre mes différentes passions, l'écriture, l'enseignement, les consultations. Enfin, j'ai fait de ma vie ce laboratoire auquel j'aspirais, laboratoire dans une vie affective qui m'interpelle et me sourit, laboratoire au niveau politique avec des projets qui me rendent tellement heureuse que je m'en réveille la nuit, laboratoire au niveau de ma créativité avec de vrais prises de risque pour des livres à venir, laboratoire au niveau de ma spiritualité aussi. Mon happy lab à moi où rien n'est jamais acquis, mais où je peux essayer, tester, expérimenter, vivre quoi...

Et en fait, lorsque j'écris tout ça, je pense à des gens, à plein de gens, gratitude, gratitude. Je voudrais écrire une avalanche de prénoms, je voudrais hurler au monde à quel point ils sont formidables, à quel point vous êtes formidables... Tous ceux-là qui m'ont soutenue, aidée, aimée, été présents de jour comme de nuit. Tenu la main quand il le fallait, partagé les rires et les secrets, les envies et les projets. Connue, reconnue. Je suis un puzzle, un kaléidoscope, une mosaïque. Je suis ce maillage d'êtres humains, je suis à la rencontre de vos chemins. Je suis votre tendresse, votre générosité, vos mains qui me cherchent, vos regards qui m'épient. Je suis mes enfants qui avancent avec détermination dans leur vie. Je suis ces hommes qui ont dit oui. Un peu, beaucoup, à la folie. Je suis mes patients, mes amis, ces rencontres improbables, ces moments incroyables où les choses finissent par basculer, inespérées. Le soleil et la lune. Je suis ce souffle qui se pose, cette avidité qui s'apaise. Je n'ai plus peur d'exister, moins peur d'être moi. Plus besoin de tricher. Une femme qui essaie, qui s'est trompée tellement de fois. Maintenant je peux en rire. Je crois en l'humour, en la tendresse. Avant tout. L'amour et la liberté. Je suis faite de ce bois-là. Maintenant, je le sais, maintenant je l'assume. Eh oui, je suis - encore - Charlie, je suis Paris. Là non plus, je ne renoncerai pas ("je twisterai ces mots s'il fallait les twister, pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez"...). Je suis la Terre qui nous nourrit.  Une pierre sur le chemin. Un sillon. Le mien. Le tien. Peu importe finalement. S'il peut contribuer au monde. Faire une différence. Même petite. Même infinitésimale. Vers davantage de beauté, de conscience, et de joie. Oui, je suis tout cela. La maison du bonheur continue de grandir en moi...

Commentaires

  1. Et nous Odile, sommes si heureux grace à vous...votre lumière est contagieuse...merci vraiment d'être tellement Vous.
    Fanny...

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  2. Oh Fanny, votre message me va droit au cœur. Je pense fort à vous et à toute votre magnifique famille. Je vous embrasse de Paris vers la Bretagne...

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