Etats d'urgence

Lorsque j'étais collégienne, j'avais écrit sur mon sac militaire de toile kaki, "l'amour est plus qu'une nécessité, c'est une urgence". J'en suis plus que jamais convaincue aujourd'hui.

Lorsque les jours deviennent si sombres, que l'on ne sait plus vraiment quoi ni qui croire, bat en moi ce timide espoir qu'en ouvrant nos cœurs, en tendant nos mains, en nous prenant dans les bras, persistera une petite lumière dans le noir.

Dimanche, en revenant en voiture vers Paris, je me disais qu'il fallait que j'écrive mon testament (on a d'étranges idées parfois, n'est-ce pas ?). Parce que je n'avais pas l'intention de négocier avec ma vie, que j'aimais sortir et boire, et aller au théâtre et dans les bars, je me sentais vulnérable. Une proie facile. Je me disais qu'il fallait que je dise noir sur blanc à mes enfants à quel point je les aimais, à quel point j'aimais la vie, à quel point j'en avais profité et que je leur souhaitais juste d'en faire autant. Et puis, j'ai éclaté de rire. Mes enfants m'ont vu vivre, ils savent combien j'ai pris celle-ci à bras le corps, ils sont les premiers témoins de mes tentatives, de mes gourmandises, de mes envies de tout essayer, sans transiger. Ils n'ont pas besoin que je leur laisse des instructions. Ils savent faire. Ils sauront faire. Et puis je n'ai pas l'intention de mourir demain. Et la peur, ici comme toujours, est mauvaise conseillère.

Heureusement qu'ensuite, je suis allée dîner avec des amis, et que nous avons tant parlé et ri que nous n'avons pas vu le temps passer. Et j'ai mesuré à quel point ce que j'ai toujours pensé, était pour moi vrai  : quoi qu'il arrive, il faut danser sur le Titanic. J'ai toujours davantage craint, à tort peut-être, la catastrophe écologique que la folie des hommes (même si la première est aussi la conséquence de la seconde). Oui, il n'empêche, si tel est notre destin, notre responsabilité est de continuer à danser sur le Titanic. De chanter, de rire, de pleurer, de jouir, de manger, de partager, et d'aimer, encore et toujours d'aimer. Demain, on verra bien... Tant qu'il est de vie, soyons vivant, entièrement, indiscutablement.

Ces moments où l'histoire collective et individuelle se rencontrent, aussi difficiles soient-ils, sont riches d'enseignements. Quelle joie de lire tous ceux qui prennent leur plume avec tant de talents, d'humour, de justesse, de poésie, de discernement ! Je n'en reviens pas. Et puis toutes ces choses qui font chaud au cœur, les photos, les partages, les messages de ceux que l'on n'attendait pas... Plus triste cependant, le constat que certains avec qui je pensais partager un certain niveau d'intimité ont incroyablement été aux abonnés absents. C'est ainsi. Je n'ai pas de temps à perdre pour courir après ceux qui ne m'aiment pas, ou en tous cas qui ne m'aiment pas assez pour avoir envie de prendre soin de moi, de notre lien. Ils ont le droit. Je veux bien leur envoyer toute ma tendresse et ma joie, maintenant plus que jamais, je sais qu'il y a urgence. Urgence à vivre, urgence à célébrer, urgence à partager avec ceux qui m'aiment la beauté du monde et l'éclat d'un nouveau jour.

Oui, ce soir encore, je suis Paris, je suis Charlie, je suis Beyrouth et Ankara aussi, et toute cette sombre litanie de pays pris en otage par la folie de certains... Ce soir pourtant, je persiste à avoir envie de porter haut les couleurs de la joie, les couleurs de la vie. Et de vous dire que je vous aime. Tout simplement. L'adolescente que j'étais avait tout compris finalement : l'amour est plus qu'une nécessité, c'est une urgence.


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