Clair-Obscur

Croire à la joie, à l'amour, à la cohérence de nos existences, lorsque tout va bien, est relativement enfantin. Mais lorsque la vie nous chahute, nous malmène, nous chagrine, conserver la foi représente un vrai challenge. Dans cet espace du deuil qui est aujourd'hui le mien, je mesure une nouvelle fois la beauté de notre fragilité, mais aussi l'essence de l'engagement qui nous est demandé.

Je me réveille très tôt le matin, mon cœur tangue, il fait des siennes. Des larmes coulent toutes seules. Je me rappelle alors qu'il se passe quelque chose. Tu n'es plus. Demain s'écrira sans toi. J'ai froid.
Pourtant je sens aussi que tout est parfait. Je suis (et c'est ma nature), toute d'émotions et de vibrations. Il faut que la vague passe pour que je commence à me centrer. Pour que je puisse poser un regard un peu distancié sur ce qui est en train d'arriver. La mort d'un être cher, surtout si rapide, en plus le jour de mon anniversaire, m'a profondément touchée, c'est un fait. Elle me force néanmoins à revisiter mes priorités, et surtout à ne pas négliger certains aspects de ma vie que je mets parfois de côté. Nous étions suffisamment proches pour que toute ma vie s'en trouve questionnée. Mais je sais tout aussi bien que je ne suis pas anéantie. Ma tristesse est immense, je ne sais pas comment nous allons vivre son absence, mais je sais que je continuerai à travailler, aimer, être dans la joie. Aussi.

Surtout, et c'est vraiment l'essentiel je crois, cela m'interroge sur ma foi et sur la profondeur de celle-ci dans ma vie, sur son enracinement. Je crois aux Forces de l'Esprit, comme disait François Mitterrand, mais pour être honnête, j'y pense lorsque j'ai le temps ! Dans le référentiel numérologique qui me concerne (et non celui de l'humanité qui est en année 1), je viens d'entrer en année 7, l'année de la spiritualité, et je vous avoue que cela ne m'enthousiasmait que moyennement. Or il se trouve que Guy était - entre autres - un être réellement spirituel. Lors de nos discussions, face à mes emballements, il me ramenait systématiquement à cette dimension du vivant. Et je n'ai aucun doute que c'est ce qu'il ferait maintenant. Je ne dis pas que la spiritualité n'a aucune place dans ma vie : mon Pèlerinage vers Compostelle n'a fait que la renforcer, et même ce petit bout du Camino l'année d'après. Mais cette année, je pensais passer mon tour pour cause d'autres priorités à gérer. Je sais aujourd'hui qu'il n'en sera rien. Je vais prendre soin de cette partie de moi, lui redonner sa place centrale : je reprendrais donc la route (un temps), afin  de me reconnecter à plus grand que moi, qu'on l'appelle la Vie, la Nature, Dieu ou le karma.

Dans cet instant tout d'ombre, les lumières ne manquent pas de briller, je reçois tellement d'amour, de présence : mes proches, mes amis sont là. Indéfectibles sentinelles. Parce que j'ai du mal à parler, j'écris. Je pose les mots, je dis. Donc d'abord je vous dis merci. C'est comme si, malgré  le chaos intérieur,  je percevais mieux ce qui devait être mon axe. Ce qui me fait sens. Ce qui m'enthousiasme, et m'apaise dans un même temps. Comme si je commençais aussi, au-delà des moments partagés, des rires, de la présence, des conseils, de la tendresse, à mieux mesurer le cadeau magnifique qu'a été cet homme dans ma vie. Dans une dimension que je n'avais peut-être pas soupçonnée à priori.

(Ce sublime haïku sur la photo est de Pascale Senk, auteure de L'effet haïku, Leduc.s Editions, en hommage à Guy Corneau. Merci à elle de m'avoir autorisée à l'utiliser pour illustrer ce texte)

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